[Peace-discuss] For readers of French…

Morton K.Brussel brussel4 at insightbb.com
Mon Apr 7 12:13:13 CDT 2003


For those who can read French, a moving opinion piece about the wars 
from the pages of Le Monde:

Etrange philosophie, par Brice Gayet

Contrairement à M. Redeker ("Les néopacifistes en guerre... contre la 
paix", Le Monde du 26 mars), je ne suis pas philosophe, mais je sais ce 
que sont la souffrance et la mort. Sa position est admirable : les 
peuples aiment leur aliénation, et donc la souffrance, et seule la 
guerre, donc la mort, a préservé le monde.


 
Pour défendre cette guerre, il en appelle à la lutte contre le nazisme 
et le communisme ; ceux qui s'opposent sont des pacifistes qui font la 
"guerre à l'Amérique" et, s'ils critiquent Israël, ils sont, en plus, 
antisémites.

Il est exact que les armées américaines et anglaises ont libéré 
l'Europe du nazisme par la guerre, mais pourquoi oublier le courage de 
ceux qui combattaient à leurs côtés dans les Forces françaises libres ? 
Il est exact que la puissance militaire des Etats-Unis et les idéaux 
que nous partageons avec son peuple ont permis à l'Europe de rester 
libre face au totalitarisme soviétique.

Il est aussi exact que les bombardements de nombreuses villes 
françaises et allemandes ne répondaient à aucune nécessité stratégique. 
Il est aussi exact que les Américains n'ont jamais déclaré la guerre à 
l'URSS et que le résultat a pourtant été celui espéré par les peuples, 
notamment ceux de l'Europe de l'Est, qui seraient donc les seuls à ne 
pas souhaiter être aliénés. La seule condition humaine irréversible est 
la mort, et il y aura des voix plus compétentes que la mienne pour 
aborder le débat sur le fameux "ni rouge ni mort".

Il a manqué à l'époque des théoriciens comme M. Redeker pour faire 
cette guerre-là. On a donc attendu plus de quarante ans. Fallait-il 
pour aller plus vite – ah, cette arrogance française de demander trois 
mois de délai à l'ONU ! – faire la guerre à l'URSS et détruire 
l'Europe ? Peut-être que les morts civils – un dégât collatéral pour un 
militaire, un échec total pour un chirurgien – en Irak aujourd'hui, 
dans les pays du Proche-Orient demain, n'ont pas la même valeur qu'en 
Europe. C'est donc l'existence ou non d'une force de frappe nucléaire 
qui fait décider si une dictature, ici la défunte URSS ou l'Irak, doit 
être combattue par la contrainte ou par la guerre. Voilà une 
philosophie à géométrie variable dont la solidité m'échappe.

Je ne soupçonne pas M. Redeker d'être antisémite parce qu'il approuve 
la guerre contre l'Irak – les Arabes sont aussi sémites –, mais je lui 
refuse le droit de m'en accuser, moi qui condamne Israël pour la mort 
de civils en réponse à des actes terroristes. Le terrorisme, 
palestinien ou autre, ne se combat pas en abandonnant ses propres 
valeurs, et nos amis israéliens n'ont pas amélioré leur légitime 
recherche de sécurité en le faisant, comme la France en son temps 
perdant sa morale en Algérie.

Je ne suis pas pacifiste, je ne suis pas antiaméricain et j'aime les 
Anglais. C'est la raison pour laquelle je suis totalement opposé à 
cette guerre.

Si j'en juge par les discours du président Bush, que j'écoute en 
anglais, les buts de la guerre, variables selon les interlocuteurs, 
sont : désarmer l'Irak, renverser Saddam et apporter la démocratie à 
toute la région. Désarmer l'Irak : c'est parce que j'aime les 
Américains que je ne comprends pas l'intérêt d'obtenir par la mort de 
leurs soldats et celle de civils irakiens ce que les inspecteurs 
étaient en train de faire. Détruire ses propres missiles de combat à la 
veille d'être attaqué reste pour moi irréel. Renverser Saddam parce 
qu'il ne respecte pas les résolutions de l'ONU, seul mobile officiel, 
en faisant une guerre déclarée illégale par la même ONU repose sur une 
logique qui m'échappe. Enfin, apporter la démocratie ou la stabilité à 
la région relève de je ne sais quelle utopie. On aimerait l'analyse de 
notre philosophe sur cet objectif quand on voit Israël, pays 
démocratique, incapable d'amener par le combat frontal quelques 
millions de Palestiniens à une démocratie qu'ils ne connaissent pas.

Reste la fameuse guerre du pétrole, chère à certains journalistes. On 
ne peut pas croire de bonne foi à un objectif qui ne correspond à aucun 
besoin vital pour les Etats-Unis. Cependant, après une guerre faite 
contre le régime et non contre le peuple irakien, on espère que leur 
seule richesse, le pétrole, servira à les sortir de l'état où les a 
conduits le tyran de Bagdad et non à rembourser le coût de cette guerre 
préventive, une première pour les Américains, pas pour la vieille 
Europe, qui sait où cela l'a menée. L'Arabie saoudite, grande 
démocratie alliée de Bush, où l'on trouve de vrais soutiens à Ben 
Laden, est intouchable tant qu'elle contrôle le cours du pétrole. Le 
pétrole irakien sous administration américaine, la stabilité de la 
région passera-t-elle aussi par une guerre préventive en Arabie 
saoudite ?

Et, après, la prévention contre qui ? Les Palestiniens, tous coupables, 
bien sûr ? Les régimes terroristes de Libye, de Syrie, d'Iran ? Les 
régimes avec armes de destruction massive comme le Pakistan, l'Inde ou 
la Corée du Nord ? Les régimes féodaux du Golfe ? Et pourquoi pas la 
centaine de régimes non démocratiques dont les peuples sont aliénés ? 
Mais on sait, grâce à M. Redeker, que les peuples aiment perdre leur 
liberté, sauf ceux d'Occident et de Russie, qui peuvent donc posséder 
des armes interdites ailleurs.

Je n'aurais pas aimé avoir pour enseignant un philosophe qui amalgame 
le refus d'une guerre et le pacifisme, le refus d'un mauvais combat des 
Américains avec la défense du communisme russe, approuvant ainsi le 
très stalinien : "Si vous n'êtes pas avec moi, vous êtes contre moi."

Je suis contre les guerres faites au nom du bien et du mal, que le bien 
soit celui du dieu de Saddam ou de Bush. Je suis contre la mort et les 
souffrances tant que des hommes de bonne volonté disent, et prouvent, 
qu'il y a de l'espoir. Mais, pour M. Redeker, Hans Blix doit être un 
grand "néopacifiste dichotomique" et cinquante ans en Europe de l'Est 
valent moins que trois mois en Irak.

Je suis pour les inspections partout où existent des armes interdites, 
le droit d'ingérence en cas de génocide, la guerre contre les pays qui 
en envahissent un autre. Mais que M. Redeker m'explique pourquoi les 
Etats-Unis ne signent pas le traité sur les armes biologiques, pourquoi 
la France fut si seule dans son action militaire au Rwanda, pourquoi 
l'Occident a armé Saddam dans sa guerre contre l'Iran.

Heureusement, grâce à notre philosophe, nous savons maintenant que les 
peuples ont besoin d'hommes impériaux – membres d'un empire, c'est son 
terme – qui nous guideront vers notre bien, avec la mort pour les 
autres, mort que je connais si bien.

Brice Gayet est professeur de chirurgie, chef de service à l'Institut 
Montsouris à Paris, ancien conseiller de Bernard Kouchner.
Morton K. Brussel
2003 George Huff Drive
Urbana, Illinois, 61801-6203
Tel. 217 337-0118

Preferred email: brussel at uiuc.edu
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